Suite :
Quelques réflexions
après la rencontre des
« Paroles d’un soufi »
de Kharaqâni
(Seuil, 1998).
« Lui », "Dieu",c’est « de vous ce qui Est la Vie » ! (Platon le Karuna, Les Sons de Dieu)
Chemin
A tant marcher sur Ses sentiers, je me suis blessé les pieds et à tant voler dans Son Ciel, je me suis blessé le cœur ! (p. 358)
Le Chemin te nourrit de Sa manne. Pourquoi rester calfeutré dans ta demeure inutile ?
Le Chemin sans chemin n’est bordé ni de roses ni d’épines pour qui n’a plus aucune notion et de bien et de mal. Il est ce que le Bien-Aimé daigne qu’il soit et c’est Lui seul qui le parcours.
Tout autre chemin paraît si fade qu’il n’y a plus de place pour les vagabondages, et même les vagabondages se font en Lui, par Lui, sans moi. Ce Chemin sans chemin, ne le prennent que ceux qui sont ivres ou fous. (p. 393)
Le premier pas est le seul pas ; au second tu es brûlé et consumé… (p. 422)
Chercher
L’oiseau a quitté son nid pour chercher sa nourriture ; il ne l’a pas trouvé et ne sait comment retrouver le nid ! Tu as quitté le Nid pour goûter les nourritures de ce monde. Comment vas-tu revenir ?
Cible
Qui pourra jamais atteindre la cible ? Celui-là verra la Lumière de son Cœur s’élever jusqu’à la Source et illuminer de l’Orient de la naissance à l’Occident du couchant. Plus alors d’enfer ni de paradis, plus de lois, plus de temps… ; c’est la mort à soi-même qui se renouvelle d’instant en instant. (p. 398)
Compassion
A travers Toi, Il a compassion pour les Hommes. Aux égarés va Sa miséricorde jusqu’à ce qu’ils deviennent Ses Amis et alors Il peut les combler de Sa Grâce.
Connaissance
Connaître la Vie se fait par la méditation, par la science et par le travail. Les trois sont nécessaires.
Parle à chacun selon son niveau de connaissance. Pour cela, il convient de connaître la « connaissance qui chevauche la Loi », celle « qui dépasse la Loi » et celle « qui égale la Loi » car la Loi est toute protection pour l’humain. (p. 387)
Peux-tu te connaître comme Lui Te connaît ? Tu peux être avec Lui et Lui avec toi jusqu’à ce que tu ne sois plus et qu’Il prenne toute la place. (p. 399)
De Lui, on ne connaît que Ses Actes. Le connaître, Lui, connaître Son Unicité, c’est être anéanti. Et lorsque Tout est anéanti, l’anéantissement lui-même est anéanti. (p. 406)
“Dieu”
Il est impossible d’en appeler à Dieu ; il est toujours au-delà de tout ce qui peut être conçu par l’humain. Alors, qu’appelles-tu “Dieu” ? (p. 388)
Qui pourra jamais prononcer une seule fois le nom de “Dieu” ?
Disciple
Qui a des disciples est encore dans le domaine de l’avoir ! Toute prétention doit disparaître.
Effort
« L’effort de l’homme dure quarante ans », mais que signifie “quarante” ? (p. 390)
Être
Il te faut être aveugle pour qu’Il voit par tes yeux, sourd pour qu’Il entende par tes oreilles et muet pour qu’Il parle par ta bouche. S’il n’habite pas seul cet habitacle qu’est le corps, alors tu seras toujours dans la crainte de ce qu’Il verra, ce qu’Il entendra, ce qu’Il dira par Toi.
Eveil
Les expériences à traverser ? Pleurer « des larmes de sang dans son amour, voir du sang dans tes urines à cause de la crainte qu’Il t’inspire et avoir les os qui fondent dans l’Eveil. » (p. 396)
Existence
Abandonne à chaque instant ce qui n’a pas sa racine dans l’Être et qui, de fait est dans l’inexistence, afin de t’établir dans l’Existence au-delà du temps. (p. 357)
Fidélité
Tu te vois avec Dieu ? Cela est la fidélité mais n’est pas encore le but, seulement une étape dans laquelle il ne faut pas demeurer. Quand Le verras-tu avec toi ? Jusqu’à ce qu’il n’y ait ni Lui ni Toi…(p. 404)
Guerre
Pourquoi veux-tu supprimer les guerres alors que tu es en guerre avec toi-même ? Pourquoi vouloir supprimer ce que “Dieu” permet ? Il faut s’en satisfaire dans la Paix intérieure qui est le Don qu’Il te fait.
Puisses-tu te rappeler à Lui ne serait-ce qu’une seule fois en cette vie et ne plus jamais L’oublier ! (p. 397)
Hologramme
Ton corps est un hologramme de l’Univers. Tout ce qui existe dans tous les Ciels et toutes leurs Terres, cela a sa répondance en toi.
Ignorance
Ne L’ignore pas ! Tout le reste, ignore-le, mais sache qu’il n’y a rien qui soit autre que Lui ! (p. 416) Chaque chose a une face tournée vers Lui, et les autres faces n’ont aucune existence et périront. (p. 417 et Ibn’Arabi)
Libération
Tout désir d’être libéré, comme tout autre désir, te fait esclave encore de ton moi égoïque.
Mal
S’abstenir du mal est bien, mais ce n’est pas toujours juste ! Oublier et le mal et le bien, c’est cela le Retour à l’Unique-sans-second. (p. 382)
Miséricorde
Sans Sa miséricorde, nous sommes tous perdants. Sans cesse, Ses pièges corrigent nos erreurs. Tu as raté la cible ? Recommence sans jamais te lamenter !
C’est Sa Miséricorde qui permet l’incurie des humains ! Sans Elle, un seul iota de conscience, et ils seraient consumés par le Feu de son Amour comme le serait le corps par la lave du volcan. (p. 413)
Sa Miséricorde engloutit tout ce que tu crois être “péché” et tout ce que tu crois être “vertu” ! Dans Son “Exister”, ces notions n’ont plus cours. La Vie n’a cure de tes notions ! (p. 423)
Mort
Dans ton corps de chair, à chaque seconde, des millions de cellules meurent pour que d’autres naissent. Il faut ainsi que tu meures à chaque seconde pour renaître mille fois en construisant ton Corps Conscient, pour trouver la Vie par laquelle Tu ne mourras jamais et Tu ne connaîtras plus la mort. (p. 356)
Meurs à toi-même “avant que de mourir”, Tu existes par Son Existence, “Il” t’a “Par-fait” et Tu es fait par Lui ; esclave du Seigneur, du Seing-Or, du Sceau Originel dont l’Empreinte indélébile, inaliénable, t’a marquée dès que Tu as voulu être créé. Quel doux esclavage que celui de l’Amour parfait quand le Cœur est ravi ! Plus d’âme ! brûlée est-elle, fondue dans la lave de Son Amour.
Il a fait mourir toutes les formes prisent par les Bouddhas, les Prophètes, les Christs ! Nul n’échappe à la mort du corps ! Le point à atteindre ? Mettre fin en « la croyance en la naissance et en la mort ». (Milarepa). (p. 414) C’est la seule porte de sortie du piège de la création.
Avant cela, beaucoup de ceux qui se croient vivants sont morts et beaucoup que l’on croit morts sont Vivants
Œuvres
Que de temps consacré à accomplir tes œuvres ! Si ce n’est pas Lui qui œuvre par Toi, tout cela est chimères et vanités que le temps engloutit irrémédiablement. Tu crois avoir renoncé ? Croyance vaine, comme toute croyance ! Subtilement, les têtes de l’hydre repoussent. Seul, “Il” peut les décapiter d’un seul coup par l’effet de Sa grâce. Mais “Il” te ménage car tu ne supporterais pas un tel coup ; alors “Il” procède lentement, à la mesure de ton possible, par Respect et par Amour. “Il” accompagne ton indigence avec mansuétude. (p. 353)
Ne cherche surtout pas à abandonner les œuvres que tu entreprends ! Par Sa grâce, c’est elles qui t’abandonneront. (p. 383)
Tout ce que tu fais par Lui, ce qu’“Il” fait par Toi, tu ne sais pas que tu le fais. Ce que tu fais par toi-même est inutile, voire néfaste le plus souvent. Tu montes alors par le mauvais sentier ; il te faudra redescendre humblement pour qu’“Il” te guide là où tu ne voudrais pas aller par toi-même.
Dérisoires souvent, les “bonnes” actions ! La vie se détermine toujours en justesse de Cause. Tes milliers de soit-disant bonnes actions, la Vie n’en a que faire ! Elle crée chaque chose nouvelle à chaque instant, à travers le bien comme à travers le mal, sans aucune sentimentalité, pour qu’advienne ce qui se doit d’Être.
Offense
Comment peux-tu croire avoir offensé « Dieu » ? Quelle prétention ! Tu n’as offensé que ton ego et si tu penses que quelqu’un t’a offensé, il en est de même.
La Vie pardonne toujours puisqu’elle te permet de recommencer après chaque erreur pour que tu te corriges.
Oubli
Le Rappel de la Source est continuel par les rectifications que la vie propose à chacun de tes oublis. N’oublie plus afin que la vie n’est plus à te rappeler à Toi ! C’est la fin des souffrances alors lorsque tout est vu comme Sa grâce. (p. 397)
Outrage
Quelqu’un est-il outragé ? C’est Lui qui l’est. (p. 412)
Paradis
Certes, il est possible de se construire, avec un peu d’intelligence et de bon sens, en lien avec l’essence de la Vie, son “Paradis terrestre” ! Mais cela peut être une étape fallacieuse si l’on s’y endort alors que ce doit être un tremplin vers le “Paradis céleste”. Le but est ta complète inexistence pour qu’enfin la Vie soit par Toi, ce qu’Elle doit être de Source sûre. (p. 357)
Parole
Tes paroles qui ne proviennent pas de Sa Parole sont vaines, inutiles, nuisibles. D’elles tu ne récolteras rien que confusions, zizanies, guerres. Seule Sa Parole par Toi est féconde et ensemence les cœurs.
Pas de mots inutiles… Être. Les paroles doivent venir de Sa parole. Le Verbe alors, par Toi, prend chair.
Ne parle qu’à celui qui Le voit et n’écoute que Celui qui Le voit. (p. 400)
Si tu dis une seule fois Son nom en vérité, ta langue calcinée ne pourra le dire une seconde fois. Si Tu le prononces une autre fois, alors c’est Lui qui l’énonce par Ta bouche. (p. 401)
Pèlerinage
Tu pars en pèlerinage pour chercher ce qui n’a jamais cessé d’être en toi, ce qui n’a jamais cessé d’être Toi. “La Pierre Noire”, la Jérusalem céleste, tout lieu terrestre a sa correspondance au tréfonds de ton être.
Perfection
Qui peut jamais se connaître comme Lui le connaît ? Es-tu avec Lui afin qu’Il soit par Toi ? Lorsque Tu seras Lui et que Lui sera Toi, Tu ne le sauras pas !
Pièges
Vous en avez fini avec les pièges de la dualité ? Alors prenez garde aux pièges de l’Unité ! Vous avez tous les pouvoirs ? Quel piège encore que cette Illusion ! Même la Grâce qui vient de Lui vous trompe. Devient Homme véritable Celui que plus rien ne trompe… (p. 426)
Possessions
Le désir de posséder est insatiable, que ce soit celui des biens, ou celui de la connaissance. Le Connaissant ne connaît rien ! Qu’il ne possède rien ou tout est pour lui identique. (p. 409)
Prière
Prier pour demander est inutile ! Il sait et te donne toujours le meilleur pour Toi. Mais cela va le plus souvent à l’encontre de tes désirs. S’Il t’exauce, malheur à toi ; tu auras ce que tu as demandé, hélas !
Silence
Lorsque Tu Te vois, Tu vois la foi, la Connaissance, l’Amour et la Sagesse et toutes les créatures comme les fruits de Son Amour. Lorsqu’Il se révèle, de Lui rien ne peut être dit.
Solitude
Dans la solitude, “Il” est seul à occuper la place !
La solitude habitée est une solitude solaire ; elle est toujours préférable au commerce du monde.
Souffrance
Sans désir, point de souffrance. Pourquoi as-tu eu le désir de naître ? Tu trompes ta tristesse immarcescible par de vaines compensations. Rien ne peut Le remplacer.
Riez beaucoup ! La tristesse ne sied pas à l’Ami, même s’il est triste jusqu’à la moelle des os lorsqu’il ne croise partout que des morts vivants. La Vie les res-suscitera… (p. 391)
Ta souffrance provient de ton incapacité à Le louer ; en tout temps, en tout lien, en toutes circonstances, Il est digne de louange.
Temps
Vis l’Instant ! Alors le temps disparaît. Tu ne t’occupes plus de lui, ni lui de toi. Tu ne te prends plus alors pour ta véhiculation terrestre. (p. 408)
Vertus
Ni vices, ni vertus. Qui peut savoir ? Sors de la dualité pour habiter dans l’Unique et cheminer dans son Unicité.
Vêtement
Qu’importe la défroque ! Que te sert le rouge du moine, le noir du prêtre ou la soie du riche ? Ton Cœur est-il avec Lui, en Lui, par Lui, sans toi ? Cela seul suffit et Tu pourras alors sans dommage voir le monde t’appartenir.
Voir
Tu ne peux voir rien d’autre que Lui dans l’un de Ses Aspects. Mais même les plus extraordinaires ne sont pas Lui ! (p. 389)
Voir, entendre, goûter, sentir, toucher, la plénitude des sens se vit par leurs essences et leurs essences par leurs quintessences, et leurs quintessences par Lui, l’Inconnaissable qui n’est connu que de Lui. (p. 420)
Abû’l-Hasan Kharaqânî, soufi d’origine iranienne, mort en 1033,
dont nous est parvenu le Nûr-al-‘ulûm, « La Lumière des Sciences »
rédigé par un auteur anonyme de son entourage immédiat.
Farîd al-din ‘Attar en a laissé une version plus complète
en utilisant sans doute la version intégrale aujourd’hui disparue.
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